
Page 1/2La première
Coupe du Monde des Rallyes de 1970 fut un évènement prodigieux. Un rallye hors-normes,
comprenant des dizaines et des dizaines de secteurs chronométrés. Une telle aventure
attira une diversité rarement vue de pilotes et de voitures..
- Rootes avait engagé des Hunter spéciales qui avaient fait
leurs preuves au Londres-Sydney. Il y avait les incontournables Peugeot 404, reines
d'alors des safaris, des Moskwitch 1500 d'usine, des Capri, BMW 2002, Porsche 911,
Citroën, Mini, Triumph, Jeep, Simca... même un buggy VW et, plus étonnant encore deux
Rolls-Royce dont l'une avait été modifiée avec le pot d'échappement sur son toit..
"Bien plus difficile que n'importe quel match de
football", disait Jimmy Greaves engagé par l'écurie Ford officielle (on
pourrait même dire "imposé" par le très populiste Daily Mirror, organisateur
de l'épreuve)
Parlez à l'un des "rescapés", et vous le verrez rouler des yeux grands comme
des soucoupes tellement les souvenirs de cette épopée démesurée semblent inexplicables
à celui qui ne l'a pas vécue... Certaines sections faisaient plus de 650 km de
long, c'était des jours et des nuits sans dormir et pour la majorité des participants,
atteindre Mexico sans trop d'encombres serait une récompense bien largement suffisante.
Relancer les ventes de l'Escort
Il ne faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards
sauvages ni Ford Motor Company pour un aimable mécène tout juste décidé à offrir
quelques jouets coûteux aux résidents de Boreham.
Quand l'Escort sortit au début de l'année 1969, elle entrait en concurrence
directe avec des tractions avant à roues indépendantes de conception autrement plus
moderne (204 Peugeot et Fiat 128 par exemple) et il faut bien avouer que
l'accueil de la presse fut assez...frais.
Avec son architecture proche de celle de la charrette à bras*, la
nouvelle venue allait avoir fort à faire pour s'imposer sur un continent réputé pour
son exigence en matière de confort et de tenue de route.
Certes, dès sa sortie, l'Escort s'était distinguée en finissant 3ème au
San-Remo et en remportant le Rallye d'Irlande mais l'argument publicitaire était encore
un peu mince pour convaincre un public encore sceptique devant cet essieu rigide
hérité de l'Anglia.
Il fallait frapper (les imaginations..) un grand coup.
Le slogan Ford de l'époque assurait "une légendaire robustesse". Il
restait à le démontrer.
*(un journaliste de revue
spécialisée avait même précisé que l'Escort "avait tout de la diligence.....
beaucoup de chevaux devant et même la suspension arrière.. )

1970, était l'année de la Coupe du Monde de
football qui allait se dérouler au Mexique. Les dirigeants européens de Ford savaient
que le monde entier aurait les yeux fixés sur le continent sud-américain. Quelle
meilleure publicité qu'un tel évènement planétaire ? L'intérêt de ce "co-branding" avant
l'heure n'avait pas échappé à Stuart Turner qui disposait de la carte
blanche que lui laissait la marque.
A cette "glorieuse" époque le Daily Mirror
organisait La World Cup Rally. Hugh Cudlipp et Tommy Atkins estimaient que cette "vitrine technologique"
ambulante ne pouvait que servir la cause de l'industrie britannique. L'idée venait
de Wylton Dickson (un
promoteur étroitement liées à l'anglais Football Supporters Association) et de Paddy Hopkirk mais Ford appuya le projet et sut
habilement convaincre le journal de tracer un itinéraire à la fois pan-européen et
pan-américain sur lequel la marque à l'ovale avait toutes ses chances.
- Une petite équipe fut constituée autour de Delamont : John
Sprinzel, Tony Ambrose et John Brown
Et c'est ainsi que naquit le plus grand rallye jamais organisé dans le monde.
La couverture par la presse internationale fut massive, plus de 30000 articles ont été
écrits, et bien que la très bureauratique Amérique latine n'ait pas facilité les
choses, tous les journalistes présents réussirent à rendre compte, au jour le jour, des
palpitantes aventures de ces nouveaux fous du volant.

Pour Ford, un imposant réseau de
concessionnaires sur les deux continents garantissait une logistique sans faille et devait
assurer l'indispensable victoire que réclamaient les services marketing.
Quand la nouvelle du projet arriva à Boreham, Stuart Turner, le manager, s'écria
:
- Thank God Ford won or I might just have been out of a job in June 1970,
just like that !
Ce qui, pour les non anglicistes signifie à
peu près qu'en cas de défaite, notre ami Stuart n'aurait plus qu'à se chercher un autre
boulot...
Le Londres-Mexico n'était pas, à proprement
parler, une course de vitesse. Pas d'épreuves chronométrées mais une série de
contrôles de passage auxquels il fallait impérativement pointer dans les temps impartis.
Seul le retard était pénalisé. Le vainqueur étant celui qui arriverait à Mexico avec
le moins de pénalités.
La longueur des étapes imposait quasiment la
présence d'un troisième homme à bord des voitures.
Chez Ford, Stuart Turner estimait pourtant
que 3 hommes à bord serait un handicap au niveau du poids et que, de toute façon, il
était impossible de se reposer valablement sur la banquette arrière des Escort,
encombrée d'outils et de pièces de rechange.

La fiche des 3 pilotes de
l'Hillman N°81 |

Réunion à Boreham
-
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Quelle voiture ? quel moteur ?
Gagner oui, mais comment ? L'Escort venait de remporter les 1000 lacs avec Mikkola
mais le team avait tout entier abandonné au Rallyes des Alpes. La Taunus de Robin Hillyar
venait de s'adjuger l'East African Safari et Roger Clark venait de tester avec succès une
Zodiac au Three Cities. Difficile de se décider...mais la politique de l'entreprise
imposait que ce soit l'Escort qui soit mise en avant. Le choix fut donc
vite fait.
Question moteur, Mikkola et Makinen
réclamaient à cor et à cris un V6 et ne voulaient plus entendre parler du Lotus
Twin-cam, trop fragile, qui avait causé la perte de l'équipe au Londres-Sydney en 68.
Le moteur BDA n'était pas encore au point mais semblait le seul capable de relever
le défi de ce
marathon. Une idée qui n'enthousiasmait guère le prudent Peter Ashcroft,
"ingénieur motoriste" de l'équipe...
On envisagea un modèle Holbay monté sur les Lotus Seven mais Clark et Palm
affirmèrent aussitôt que l'engin était trop sophistiqué et que dans ce genre de course
il valait mieux un moteur fiable, simple et facile à changer plutôt qu'une "usine
à gaz" compliquée. Ils considérèrent aussi qu'une vitesse maxi de 100 mph
(160kmh) était bien suffisante pour le type de terrain et qu'il était donc inutile
d'embarquer une monstrueuse cavalerie.
Le choix finit donc par se porter sur le bon vieux Kent -XFlow revu et corrigé
qu'on associa à une boîte ZF et un pont Atlas hérité de la Capri.
- Au matin du 19 avril 1970, 7 autos étaient
sur la ligne de départ :
Voiture |
Sponsor
principal |
- FEV 1H (Mikkola/Palm) |
Telegraph Magazine |
- FEV 2H (Greaves/Fall - Greaves
étant un ancien footballeur débauché pour la circonstance...) |
Springfields Boys Club |
- FEV 3H (Clark/Poole) |
Shoot Footbal Weekly |
- FEV 4H (Makinen/Staepelaere) |
Daily Telegraph |
 |
|
- FTW 46H (Aaltonen/Liddon) |
Daily Express |
- FTW 47H (Malkin/Hudson) |
Sunday Express |
- FTW 48H (Zasada/Wachowski) |
|

Jimmy Greaves, le footballeur, pendant son entrainement
sur Escort Twin-Cam
Comme on s'en doute les sept Ford Escort engagées dans le
Marathon - et qui avaient été spécialement construites à Boreham en vue de cette
épreuve - présentaient avec les modèles du commerce des différences aussi nombreuses
que fondamentales.
Seules en fait les carrosseries étaient celles de série, et encore
avaient-elles été modifiées par l'adjonction d'arceaux tubulaires qui en renforçaient
la rigidité tout en servant de supports pour les grilles de protection extérieures. Les
moteurs, qui conservaient l'architecture du Kent , étaient coulés (culasses et blocs)
dans une fonte spéciale, et leur cylindrée était de 1834, cm3 (84,5 x 80,8).
Les vilebrequins à cinq paliers avaient reçu un traitement
spécial de nitruration, le graissage se faisait par carter sec avec un réservoir d'huile
de 13 litres dans le coffre à bagages. Avec un taux de compression de 9,25 ces moteurs
développaient 140 CV à 6000 tours, tout en étant capables de fonctionner normalement
avec des carburants de 80 d'indice d'octane. Les boites de vitesses à cinq rapports
provenaient de l'usine ZF et possédaient des rapports courts, la quatrième étant en
prise directe.

Jimmy Greaves, célébrité footballistique du
moment, au départ à Monza

- L'Escort de Zasada

R.Clark. (cliquez pour agrandir)
Côté châssis on notait en
particulier le montage d'amortisseurs pneumatiques Bilstein, le remplacement des ponts
arrière par des ensembles spéciaux fabriqués à Cologne avec des carters en magnésium
de plus grande capacité, et enfin la présence de freins à disques Girling sur les
quatre roues avec un système de commande à double circuit.
Les roues étaient des " Minilite " équipées de
pneus Goodyear, deux roues de secours étaient transportées dans la malle. Le poids des
voitures voisinait 900 kg avec des vitres en plexiglas, etc.... Cinq de ces voitures
avaient été préparées directement à Boreham, celle de Aaltonen était mise au point
par Clarke et Simpson, celle de Zasada, par l'équipe British Vita (qui préparait les
voitures de Piot en France).

Il ne restait plus qu'à prendre la route...
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Les
voitures présentées dans la presse Argentine de l'époque.
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